Les batteries électriques : existe-t-il des stratégies pour utiliser des matières premières alternatives et rendre également les batteries plus sûres ?
Créé le 30/05/24
Matthieu Micoulaut, professeur à Sorbonne Université et chercheur au laboratoire de physique théorique de la matière condensée a exposé les problématiques des batteries de nouvelle génération : enjeux géostratégiques, verrous scientifiques lors d’une conférence du 03 avril 2024 à la Société académique de l’Aube. Matthieu mène également la recherche scientifique dans le cadre du projet soutenu par la Fondation MAIF qui teste le développement d’une batterie électrique « tout solide » au sodium utilisant un électrolyte vitreux non inflammable.
Les batteries électriques, un peu d’histoire…
La toute première batterie électrique fut inventée par Alessandro Volta en 1800, et consistait en une pile de disques alternés en cuivre et en zinc, séparés par des ronds en carton humidifiés soit par de l’eau salée, soit par une solution l’acide sulfurique diluée. Le courant généré par des fils connectés aux bouts de chaque pile était faible, mais constant. Une nouvelle ère démarre.
Au fils des années, différents métaux et différents types d’électrolytes ont été utilisées pour créer des batteries de plus en plus performantes, plus compactes et qui durent plus longtemps, l’enjeu étant systématiquement l’augmentation de la densité d’énergie embarquée. Deux options continuent d’être explorées :
- Les piles à combustible qui ne peuvent pas être rechargées, car les réactions chimiques qui génèrent l’énergie électrique ne sont pas réversibles ;
- Les batteries rechargeables, en réalité des accumulateurs, avec des réactions chimiques réversibles. Lors de la décharge, les réactions chimiques d’oxydo-réduction de la batterie permettent de créer de l’énergie électrique. Pendant son chargement, les réactions chimiques vont dans l’autre direction et la batterie absorbe de l’énergie pour la restituer le moment venu.
Actuellement, la plus connue des batteries électriques rechargeables est la batterie Lithium-ion dont le développement a notamment été couronné par le Prix Nobel de chimie en 2019. Ces batteries Lithium-ion se composent de deux électrodes en alliage de lithium (la cathode) et en graphite (l’anode), et d’un électrolyte liquide qui est généralement un sel de lithium dissous dans un mélange de carbonate d’éthylène.
Nos besoins énergétiques à l’avenir, l’enjeu…
A l’horizon 2050, il est possible que la population mondiale dépasse les 10 milliards de personnes, nécessitant de multiplier la production d’électricité par un facteur deux, principalement assurée par les énergies renouvelables comme l’énergie solaire ou éolienne. Dans l’espoir de permettre une société sans énergie fossile ou le stockage de de ces énergies intermittentes et propres sera crucial, les dispositifs de stockage électrique sont appelés à prendre de plus en plus d’importance.
La solution passe bien par un stockage dans des accumulateurs que nous appelons tous communément des batteries. Pour ce faire, au vu de la quantité d’énergie à stocker, il faut chercher des solutions en termes de batteries les plus adaptées, les plus denses, et les plus légères.
Le lithium, est-il l’avenir des batteries électriques ?
En théorie, le lithium est le métal idéal pour créer des batteries de stockage car non seulement il figure parmi les métaux les plus légers mais il a également un potentiel électrochimique remarquable qui assure la densité la plus importante de tous les métaux. Plus de densité = plus de stockage d’énergie dans un espace réduit.
A titre d’exemple, les batteries classiques des voitures thermiques avec des électrodes à base de plomb dans une solution d’eau et acide sulfurique sont rechargeables, mais pèsent très lourds, rendant de fait leur usage impossible pour en mode nomade lors de de déplacement légers et individuels. Pour faire 50km de vélo, il faudrait en effet une batterie de 15 kg, alors qu’une batterie de 4 kg de Li-ion suffit en raison de sa densité d’énergie accrue.
Selon Matthieu, l’enjeu de toute la filière consiste à augmenter la densité d’énergie, c’est-à-dire la quantité d’énergie pour un poids et une taille de batterie donnée. En raison de ses propriétés chimiques et électrochimiques, le lithium reste le candidat idéal. Il est facile à mettre en forme et il libère facilement un électron pour créer des ions lithium dans l’électrolyte. Cependant, il n’est pas sans inconvénient, le lithium réagissant en effet avec l’air humide ou l’eau, nécessitant l’utilisation d’un électrolyte non-aqueux (organique) qui a la fâcheuse propriété d’être inflammable.
Le risque d’emballement thermique des batteries au lithium
Les batteries au lithium supportent mal la chaleur et si elles commencent à surchauffer, il y a un risque d’emballement thermique, la batterie pouvant potentiellement se transformer en bombe miniature avec accumulation de pression et risque de combustion de l’électrolyte susceptible de libérer des gaz toxiques.
Une réaction chimique en chaîne peut survenir lorsque le gaz se propage aux autres éléments de la batterie avec le risque que l’ensemble prenne feu. Les incendies liés aux batteries sont heureusement rares, mais quand ils surviennent sont extrêmement dangereux car après l’explosion initiale, ils se propagent facilement et leurs extinctions sont difficiles. D’autres contraintes des batteries au lithium comprennent un nombre de chargements limité ainsi qu’une durée de vie déterminée
Le lithium, la géo stratégie et l’environnement
Nous sommes donc désormais entourés de ces batteries aux usages multiples. De la voiture électrique à la brosse à dent connectée en passant par, bien sûr l’objet le plus incontournable de nos sociétés modernes, le smartphone.
Le lithium ‘est devenu en quelque sorte le minerai magique, « l’or blanc du 21ème siècle » pour les pays qui en sont pourvus dans leur sous-sol. Le plus grand producteur est l’Australie avec 46.3 %* de la production mondiale, suivie par l’Amérique du Sud (Chili, Argentine et Brésil) avec 33.3 % et la Chine qui en produit 16.2 %, mais qui fabrique les 2/3 des batteries lithium-ion mondiales et qui contrôle un grand nombre d’étapes de fabrication des batteries et des usines de traitement de lithium dans le monde.
En une décennie, le volume utilisé a triplé et son prix a été multiplié par 18 ! Il est sûr que les batteries de lithium jouent un rôle important dans la réduction d’énergies fossiles, mais disposons-nous de suffisamment de ressources pour faire face à la demande ? Quid de nombreux problèmes liés à son extraction et les déchets qui en résultent ? Il devient donc urgent d’envisager d’autres technologies ou d’imaginer des technologies complémentaires pour réduire la pression sur les ressources.
Le sodium, une alternative au lithium ?
Selon Matthieu Micoulaut, la solution pourrait se trouver dans un élément chimique voisin, le sodium, en raison de son abondance dans les océans et ceci malgré des performances qui sont pour l’instant inférieures à celles des batteries au lithium.
Selon lui, pour répondre aux enjeux de sécurité, le développement passe aussi par les batteries « tout solide » avec électrodes composites et électrolyte solide qui, en plus, pourrait permettre un gain de place et d’autonomie, tout en autorisant une augmentation de la densité d’énergie en faisant appel à des électrodes en lithium ou sodium. Mais quel type d’électrolyte pourrait avoir une conductivité suffisante ? Quid des composants pour les électrodes ? Le projet de recherche mené conjointement entre l’équipe de Matthieu du laboratoire de physique théorique de la matière condensée de Sorbonne Université, l’institut Charles Gerhardt de l’Université de Montpellier, l’Institut Neel du CNRS et l’Université de Picardie cherche justement de développer un prototype de batterie « tout-solide en examinant les possibilités offertes par un électrolyte vitreux pour, le cas échéant, mettre un prototype à disposition de partenaires industriels.
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*Source IG Group France