Les batteries lithium-ion peuvent prendre feu, voire exploser, entraînant des accidents graves. Leur omniprésence dans nos vies rend urgent de trouver des solutions.
Créé le 19/12/24
La quasi-totalité des batteries électriques aujourd’hui sur le marché sont des batteries lithium-ion. Une technologie qui a conquis le monde entier grâce à son excellent compromis entre capacité de stockage énergétique, poids, encombrement et durée de vie.
De la cigarette électronique à l’unité de stockage électrochimique de l’électricité, en passant par les smartphones, ordinateurs, vélos, trottinettes, voitures, et autres outils de bricolage, les batteries lithium-ion sont partout. En moyenne, les Français possèdent par foyer 15,7 objets pourvus de ces batteries !
Incidents en hausse
Depuis une dizaine d’années, on recense de plus en plus d’incidents - auto-inflammation principalement - liés aux batteries lithium-ion. Pour les solutions de mobilité douce, par exemple, le nombre d’incendies a été quasiment multiplié par 6 en France entre 2017 et 2024. Une enquête menée en 2024 sur 1000 personnes révèle que 16 % d’entre elles ont déjà subi un incident, principalement sur un smartphone. Et dans 11 % des cas, l’incident a entraîné des blessures. A l’international, le nombre total d’incidents croît également de façon spectaculaire. A titre d’exemple, à Londres, les feux de vélos et trottinettes ont été estimés à 88 en 2022, soit une augmentation de 80 % par rapport à 2021.
Des pratiques à faire évoluer
Parmi les causes les plus fréquentes d’accidents, l’exposition à de fortes chaleurs ou à l’humidité, un choc ou une chute, la recharge à l’aide d’un chargeur différent de celui d’origine, l’attente de la décharge complète avant de recharger.
Par ailleurs, le lieu et le moment de recharge de l’appareil ont aussi un impact. Mieux vaut éviter de charger pendant la nuit, pendant son absence, dans un endroit confiné ou qui bloque une issue, dans un endroit inflammable. En gros, préférer mettre sa trottinette à charger quand on est éveillé et à proximité, sur un sol en carrelage plutôt que sous son lit.
Risque amplifié sur les installations plus imposantes
Les batteries lithium-ion se développent non seulement en nombre, mais aussi en taille. Pour être capables de propulser bus, camions, trains ou navires. Et cela entraîne forcément des risques d’accidents de plus grande envergure. Comme les incendies qui se sont déjà produits dans des locaux de fabrication ou de stockage de batteries lithium-ion en France en 2023, par exemple. Les conséquences sur les personnes peuvent être dramatiques : intoxication par inhalation de gaz toxiques, lésions de la peau ou des yeux, brulûres... Et sur le plan matériel - coûts d’intervention des pompiers et frais hospitaliers – l’impact se chiffre en millions d’euros. Enfin, on imagine à quel point il sera difficile, dans le futur, d’assurer sa voiture électrique si les accidents se généralisent.
Risque d’embrasement
Comment expliquer ces feux et la difficulté à les maîtriser ?
Le vieillissement, un choc, l’exposition à des températures extrêmes, de mauvaises pratiques de recharge… plusieurs facteurs peuvent conduire à endommager une batterie. Si un composant interne se trouve dégradé, en particulier le séparateur entre les deux électrodes, cela provoque un court-circuit interne, et de là une surchauffe du système. Or, soumis à une température supérieure à 100°, l’électrolyte des batteries lithium-ion présente un fort risque d’embrasement. Résultante : un emballement thermique. Un feu qui se propage très vite, avec émanation de gaz et possibles explosions.
Effet domino
Les batteries électriques sont en réalité un assemblage de batteries individuelles. De quelques unités à plusieurs centaines ou milliers selon la taille et la puissance de l’appareil. Si une seule des unités flambe, la propagation du feu à ses voisines est inarrêtable. On peut ralentir l’incendie, l’isoler, l’interrompre provisoirement, mais pas l’éteindre. Si le phénomène se déclenche en milieu confiné, dans un parking ou sur un navire transportant véhicules et passagers, par exemple, on imagine l’ampleur de la catastrophe.
L’enjeu pour la recherche : mieux sécuriser les batteries lithium-ion et développer des alternatives
Il est donc urgent de trouver des solutions pour prévenir l’emballement thermique ou pour limiter la casse si cela se produit. Pour cela, trois principaux angles de travail :
- Comprendre, évaluer et modéliser les risques - d’incendie et d’explosion – ainsi que leurs conséquences pour mieux les prévenir, les pallier et communiquer.
- Améliorer la conception des batteries électriques : trouver des alternatives au lithium-ion, des systèmes d’assemblage et d’isolation plus sûrs. Mais aussi développer la capacité d’une batterie à détecter une anomalie interne, alerter et couper le courant.
- Sensibiliser le grand public aux bonnes pratiques d’utilisation des batteries et aux stratégies de protection.
Six projets de recherche pour comprendre, prévenir et pallier le(s) problème(s)
En 2023, la Fondation Maif a choisi les feux de batteries comme thématique prioritaire de risques à travailler, devant les mégafeux et la carence en eau. Au total, elle accompagne actuellement 6 projets de recherche sur le sujet.
Enjeu : détecter les comportements à risque chez les utilisateurs pour mieux concevoir la prévention.
Livrables : des outils pour sensibiliser le grand public aux bonnes pratiques et des recommandations normatives à l’attention des fabricants.
Enjeu : mettre au point une batterie moins inflammable.
Livrable : un prototype de batterie tout solide où l’on remplacerait l’actuel électrolyte liquide par un électrolyte solide, conçu à base de verres.
Enjeu : comprendre plus finement le phénomène d’emballement thermique dans les petits appareils de type PC, téléphones, outils électro-portatifs, véhicules de mobilité douce. Analyser le type de fumées et gaz rejetés.
Livrable : des préconisations à l’adresse des pompiers, sur l’équipement de sécurité adapté et des gestes de prise en charge efficaces de l’incendie.
Enjeu : évaluer les effets de l’emballement thermique dans une grosse batterie (voiture et plus) : énergie totale dégagée, vitesse de propagation, caractéristiques des gaz émis, toxicité pour l’homme et l’environnement. Tester des solutions pour enrayer l’emballement ou éteindre l’incendie.
Livrables : des modèles numériques pour simuler le développement de ces feux ; des solutions - par exemple la cryogénie - pour une lutte plus efficace ; des recommandations pour les acteurs du transport de voitures.
Enjeu : quantifier et qualifier les effets d’une explosion des gaz et définir des moyens pour en réduire l’impact. Notamment dans les tunnels, parkings ou bâtiments de stockage de batteries pour véhicules électriques.
Livrable : des préconisations pour organiser les zones soumises à ce risque et gérer au mieux l’effet de souffle (blast).
Enjeu : prévenir les incendies grâce à un dispositif interne plus efficace de détection des anomalies ; favoriser un recyclage pertinent des batteries en isolant les modules défaillants et en conservant les autres.
- Livrable : un ICU (identification control unit), dispositif électronique à intégrer dans les BMS ou dans des outils de test*, pour estimer de manière systématique et à moindre coût l'état de santé des batteries, cellule par cellule.
Et pour mieux comprendre le problème, d’un point de vue technique, historique et stratégique
- Comment l’emballement thermique se propage à l’intérieur d’une batterie électrique au lithium ? Focus sur les conséquences possibles.
- Les batteries électriques de 1800 à nos jours : quels matériaux, quels enjeux, quelles alternatives à la formule lithium-ion.