Peut-on encore maîtriser les conséquences des séismes et des tremblements de terre ?
Créé le 30/09/20
Les séismes sont parmi les phénomènes naturels ceux qui, depuis longtemps, frappent le plus l’imagination de l’homme. En effet, ils sont brusques et soudains, et les victimes qu’ils causent en quelques instants peuvent se compter par milliers. Aucune autre force naturelle ne peut en un temps aussi court accumuler autant de dommages et de victimes.
Par Jean-Marc Truffet, Responsable Communication, Fondation MAIF
Les niveaux d’urbanisation sans cesse en croissance le long des failles sismiques prédisent des coûts de destruction et des victimes en hausse. Par essence les séismes sont inévitables, en revanche, il reste possible de limiter leurs conséquences par des politiques de prévention raisonnées et une gestion optimale des secours.
Destructions liées à un séisme = magnitude + vulnérabilité
Les séismes se caractérisent par leur amplitude (magnitude) et les conséquences peuvent être considérables autant pour les personnes que pour les biens. Il ne manque pas d'exemples de séismes catastrophiques lors de ces dernières années pour montrer à quel point les dommages dépendent fortement de l'environnement urbain. Le tremblement de terre d'Haïti (Mw=7.3, 2010, 90 0/0 de dommages), celui de Tokyo (Mw=7.8, 2015, peu de victimes), celui de Chili (Mw=8.4, 2015, 1000 victimes), et celui du Népal (Mw=7.8, 2015, huit millions de personnes affectées) démontrent qu'à magnitude équivalente, l'environnement contrôle l'ampleur du sinistre.
Que l’on soit en Chine, en Algérie, en Turquie ou en France, les mêmes observations se répètent : les bâtiments les plus fragiles sont très endommagés, les constructions anciennes résistent le moins. Les écoles subissent très souvent de plein fouet les secousses, les zones de destructions sont très dispersées, parfois sans logique géographique claire, et les populations sont souvent prises par surprise.
Cependant, sur la seule base de leur magnitude, il n'est pas possible de classer la dangerosité des séismes, certains de magnitude modérée pouvant finalement être classés parmi les événements dévastateurs. Ils peuvent impacter significativement un territoire comme le séisme de Lorca (Mw=5.1, 2011, dégâts matériels et victimes) et celui de L'Aquila (Mw=6.3, 2009, 308 victimes).
C’est le risque qui augmente, pas le nombre de séismes
Depuis un siècle, l’aléa, ou le nombre de séismes par an, n’a ni augmenté ni diminué : seule la vulnérabilité des milieux a évolué. En effet, quelque 50 000 tremblements de terre de magnitude supérieure à 3 se produisent en moyenne chaque année dans le monde, résultat des mouvements des plaques tectoniques. Parmi ces 50 000 événements, seuls quelques-uns ont une magnitude potentiellement dévastatrice.
Il est toujours impossible de connaître précisément où et quand se produiront les prochains grands tremblements de terre. Ce que l’on connaît par contre, c’est l’énorme croissance de la population urbaine située le long des lignes de failles sismiques connues, ce qui rend plus que probable le fait que les futures catastrophes surpasseront celles de San Francisco (1906) ou Tokyo (1923). Non seulement le nombre de personnes vivant dans ces zones à risque est plus élevé que jamais, mais la concentration des richesses et des infrastructures modernes dans les mégapoles est telle qu’un tremblement de terre en zone urbaine serait infiniment plus dévastateur en termes économiques que le tremblement de terre de Kobe de 1995, qui a pourtant causé des pertes économiques de plus de 100 milliards de dollars, et qui en fait à ce jour l’une des catastrophes naturelles les plus coûteuses de tous les temps.
La France n’est pas épargnée
Sans aucune commune mesure avec la Californie ou le Japon, la France n’est pas en reste. La France est un pays à sismicité modérée. Pourtant un séisme historique majeur a eu lieu en France au 20ème siècle avec une magnitude estimée supérieure à 6 et des effets importants dans la région rurale de Aix-en-Provence (Lambesc). On considère que la fréquence moyenne de ce type de séisme est d’environ un siècle en France métropolitaine. Les séismes peuvent donc potentiellement provoquer des dommages importants même dans des pays à sismicité modérée, où ils ne sont pas considérés comme majeurs. D’autre part, des séismes plus faibles mais plus fréquents peuvent être à l’origine de coûts importants qui impactent la société. C’est le cas des séismes d’Ossau-Arudy de 1980 (ML=5.1) et d’Annecy de 1996 (ML=4.8).
La population urbaine ne cesse de s'agrandir, les richesses et les infrastructures se concentrent dans des zones à risque où des séismes modérés sont probables. Les constructions courantes sont alors les premières à être endommagées. Les écoles, les hôpitaux et tous les bâtiments publics sous la responsabilité d'élus ou de l'Etat sont aussi directement sollicités par ces secousses. En cas de dommages sévères, les occupants peuvent être directement affectés et des pertes économiques de plusieurs dizaines de millions d'euros peuvent être observées.
Face à une population vulnérable et un environnement urbain en évolution, il est important de trouver de nouvelles solutions de prévention contre les séismes modérés. C'est dans ce contexte qu'une nouvelle réglementation parasismique a été définie en France. Pour ce qui est des zones urbanisées, le risque sismique a bien été identifié autour de la question de la révision de la réglementation parasismique. Les solutions vers lesquelles on semble s'orienter, basées sur la note du Plan Séisme, n'y répondront que partiellement du fait des limites méthodologiques et pratiques des outils immédiatement disponibles pour l'ingénierie, mais également du fait de l'investissement nécessaire à la réhabilitation du bâti existant dans un contexte budgétaire tendu.
Qui est responsable des conséquences d’un séisme ?
Le niveau de responsabilité acceptable face à la mise en place de la réglementation parasismique est également une question primordiale à laquelle il faut pouvoir répondre. En effet, la responsabilité des élus est rapidement engagée dès lors qu'une catastrophe naturelle (comme un séisme imprévisible) se produit. La modification de la réglementation parasismique a des répercussions directes sur la relation entre la responsabilité et la décision des élus dès que se pose la question de la gestion du patrimoine bâti. D'autant que cette gestion doit s'adapter à l'ensemble des contraintes budgétaires et réglementaires que supportent les élus ! Le procès en 2014 du maire de La Faute-sur-Mer concernant l'affaire Xynthia (2010) en est un exemple récent.
Evaluer la responsabilité des élus dans de tels cas est extrêmement compliqué. En effet, ils sont soumis à deux cercles de responsabilité, à savoir le fait d'être considérés directement comme à l'origine du sinistre (autorisation de construire via les PLU), et le fait d'être la personne n'ayant pas mis en place une politique de prévention préconisant des solutions de protection adéquates, en connaissance du niveau de risque.
C'est dans ce deuxième niveau de responsabilité que les élus et les acteurs publics peuvent profiter des connaissances que les scientifiques leur apportent afin de décider en connaissance de cause. Souvent, ils n'appréhendent que difficilement la probabilité réelle de survenance d'un tremblement de terre, quand celui-ci est exprimé par des variables géophysiques, et les solutions possibles de prévention. Il est donc indispensable de connaître le risque encouru, selon des variables à définir en concertation, et la responsabilité engagée avant de prendre des décisions.
Comment faciliter le travail des secours ?
Après un séisme, l’efficacité du travail des équipes d’urgence est souvent limitée par une connaissance parcellaire et incertaine des dégâts qu’il a pu occasionner. Pour améliorer cette situation, des réseaux sismologiques denses, robustes et temps réel peuvent être déployés dans les zones soumises à un aléa particulièrement élevé. Le coût de cette solution et sa haute technicité ne la rendent applicable que dans des cas particuliers comme l’agglomération de Tokyo où risque et moyens économiques sont élevés.
Il est plus efficace et plus économique d’impliquer les témoins directs. Ce sont les premiers informés et les premiers concernés par les effets d’un séisme et ils cherchent rapidement à communiquer. Spontanément, ils utilisent les liaisons internet et les applications disponibles sur leur smartphone. Grâce aux photos à la géolocalisation, les smartphones transmettent en temps réel images et informations quel que soit, ou presque, le lieu d’observation. Plus fondamentalement, l’Internet mobile devient le seul et unique moyen de communiquer lorsque les témoins quittent les bâtiments ou lorsque le réseau électrique s’effondre.
La fondation Maif a financé deux projets de recherche, l’un ayant abouti à une application (LastQuake) permettant de décrire rapidement et sans utilisation de la langue la situation vécue par les témoins, l’autre à un service Internet (Suricate-Nat) alimenté par un traitement intelligent de toutes les publications spontanées réalisées sur Tweeter.
Passer de l’évitement à la résilience
Il est impossible d’empêcher un séisme de se produire. Pour éviter ses conséquences désastreuses, il faudrait empêcher toute présence humaine dans les zones à risques connues. Or c’est tout l’inverse qui se passe. L’ensemble des personnes incluses dans la chaîne de responsabilité, en partant des citoyens pour aller jusqu’aux plus hautes instances sont appelées à réfléchir en termes de réparation et de recouvrement rapides des processus de vie collective.
Chacun doit assumer son rôle de manière clairvoyante et transparente. Habiter dans une zone sismique, c’est une prise de risque choisie qu’il faut accepter. Gérer une collectivité territoriale sujette aux tremblements de terre, implique de simuler les phénomènes et de concevoir les politiques de prévention adéquates.
Crée le 29/09/20