Résilience face aux inondations : quelle efficacité des moyens de prévention ?
Créé le 31/01/2022
Le risque d’inondation constitue le premier risque naturel en France exposant 17 millions d’habitants au débordement de cours d’eau (soit 1 habitant sur 4), 1,4 millions pour la submersion marine et deux tiers des communes françaises qui sont concernés par des phénomènes de ruissellement.
Par Rachel VINDRY (Sociologue et Fondatrice de Autrement Dit)
La prévention avec les PAPI (programme d’actions de prévention des inondations)
Plusieurs générations de PAPI soulignent et renforcent l’importance de travailler avec les populations pour plus de résilience face aux inondations.
Les retours d’expérience des premières générations de PAPI mettent en lumière la difficulté d’impliquer les habitants dans la gestion préventive des inondations. La culture du risque (axe 1 du PAPI), bien que jugée essentielle par les gestionnaires reste le ‘‘parent pauvre’’ des 7 axes du PAPI. C’est également le cas de l’axe 5 lié à la réduction de la vulnérabilité qui est pourtant développé par les gestionnaires mais avec un bénéfice en-deçà de celui espéré.
Plusieurs raisons possibles à ce constat :
• des modalités de communication descendante inadaptées ?
• un manque de lisibilité dans la multiplicité des acteurs de la gestion du risque qui brouille les responsabilités de chacun ?
• un désintérêt ou déni des populations pour ce risque ?
• une représentation erronée du danger ?
Les diagnostics de réduction de la vulnérabilité
Les diagnostics de réduction de la vulnérabilité sont initiés par les gestionnaires du risque inondations (collectivités, syndicats de rivière, etc.). Dans la majorité des cas, ils sont réalisés par des prestataires (bureaux d’études spécialisés) mandatés par les gestionnaires pour la campagne de réalisation des diagnostics.
Les premiers retours d’expériences montrent que ce diagnostic reste souvent très technique. Il est généralement axé sur la prévention matérielle des risques. Le temps dédié à la sensibilisation est souvent ‘‘escamoté’’ pour se consacrer au diagnostic technique.
La dimension comportementale de la prévention (adopter des gestes préventifs, éviter de se mettre en danger...) est ainsi peu abordée, faute de compétences et/ou de temps des diagnostiqueurs. Et même si les diagnostiqueurs cherchent à sensibiliser sur des comportements préventifs pendant le temps imparti au diagnostic, se pose a posteriori la question de l’impact réel de cette sensibilisation (les habitants ont-ils vraiment pris conscience du risque ? Seront-ils prêts à adopter des gestes préventifs en amont de l’inondation et si elle se produit ?)
Première analyse sur la démarche actuelle de mitigation
Le ‘‘traitement’’ des zones à inondations fréquentes relève rarement des mesures de délocalisation. Au-delà de situations très particulières (Villegailhenc, Trèbes, Couffoulens ou Conques/Orbiel dans l’Aude suite aux inondations de 2018), il est souvent inimaginable de délocaliser la quasi-totalité des centres villes ou des quartiers entiers, qu’il s’agisse de bourgs ou, a fortiori, de grandes villes (Paris, Orléans, Tours, Toulouse, Bordeaux...).
La mise en place de la prévention par des mesures de réduction de la vulnérabilité est donc jugée indispensable pour mieux se protéger contre les inondations.
Ces modalités semblent a priori bien organisées et tout laisse à penser que de l’amont à l’aval, la démarche ne peut qu’apporter des résultats satisfaisants ; la résilience personnelle et l’adaptation de son bâti étant moins coûteuses et jugées plus efficaces qu’une protection ‘‘lourde’’ par la collectivité (digues par exemple).
Pourtant, les premiers retours d’expérience en matière de réduction de la vulnérabilité ne semblent pas pleinement convaincants :
- Le nombre de diagnostics réalisés reste souvent en-deçà de ce qui est prévu ou souhaité par le gestionnaire et surtout au regard du nombre de populations exposées aux inondations.
- Les préconisations de mesures, d’aménagements ou de travaux à l’issue d’un diagnostic sont souvent peu mises en œuvre : le passage à l’acte entre diagnostic et travaux n’étant pas spontané. Des mécanismes de résistances sont ici en jeu. Nous les analyserons dans les étapes suivantes pour comprendre pourquoi, malgré toutes les facilitations, notamment financières (passage de 40 à 80% du taux d’aide), les habitants ne réalisent pas les travaux.
Certains éléments objectifs semblent apporter des explications :
- complexité du montage des dossiers et nécessité pour les particuliers (et les entreprises) d’avancer les sommes et d’autofinancer le reste à charge, le FPRNM (Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs) intervenant en remboursement des travaux achevés ;
- coûts financiers résiduels importants notamment pour les ménages à revenus modestes. La mission du CGEDD du Ministère de la Transition écologique note en effet dans son rapport en avril 20211 que la limitation de l’aide à un plafond de 10% de la valeur vénale de l’habitation peut induire des effets pervers pour les populations à revenus modestes avec une maison à faible valeur et dont le montant des travaux à effectuer (notamment s’il s’agit de création de zone refuge) dépasse très vite les 10%.
D’autres raisons plus subjectives peuvent expliquer la faible mobilisation des dispositifs de réduction de la vulnérabilité :
- sentiment par exemple que le coût de réparation des dommages, par les assurances notamment, sera toujours moins coûteux que les travaux de prévention ; A noter à ce propos que si les assurances peuvent couvrir les réparations, la loi, à travers le fonds Barnier , prévoit également :
- un soutien financier à l’acquisition d’un autre bien si l’habitation a été endommagée à plus de 50% ;
- un financement à la reconstruction sur place si l’habitation endommagée se situe sur une commune couverte par un PPRI.
En revanche, la loi n’a pas prévu d’indemnisation en cas de dommages corporels ou de décès lors de catastrophes naturelles. Seules les assurances personnelles souscrites par les particuliers pourront intervenir.
- balance coût / bénéfice au regard de la fréquence des inondations : le fait que des inondations ne se produisent pas régulièrement n’incite pas le particulier à entreprendre des travaux ;
- propositions de mesures essentiellement coûteuses alors que les petites adaptations préparatoires sont souvent éludées ou jugées presque tellement évidentes qu’elles ne sont pas mobilisées.
D’autres raisons explicatives pourront être soulevées dans les prochaines étapes de notre recherche. Nous pourrons alors explorer les leviers cognitifs pour enclencher des actions de réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens face à l’inondation. Ces leviers pourront être de l’ordre de l’acceptabilité, de la supportabilité (consentement à payer ou non) et de la perception d’efficacité des mesures.