Inondations - une communication préventive alternative
Créé le 03/02/2022
Inondations - la communication préventive hors cadre réglementaire
Depuis une dizaine d’années, de nombreuses démarches ‘‘alternatives’’ de communication et/ou sensibilisation sur les inondations se sont mises en place sur l’ensemble de l’hexagone, en complément et pour pallier la faible efficacité de la communication préventive réglementaire.
Par Rachel VINDRY (Sociologue et Fondatrice de Autrement Dit)
Une large place a été laissée à l’initiative locale, notamment grâce aux programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI). L’information préventive s’est démultipliée à travers un outillage foisonnant.
Dans le but de participer à la construction et l’entretien d’une ‘‘culture du risque’’, de nombreuses actions de sensibilisation prennent forme selon des langages et des vecteurs nouveaux, parfois très loin des supports jusque-là convoqués pour ‘‘dire le risque ‘‘ (d’après le rapport : ‘‘Panorama des outils de sensibilisation’’ réalisé en décembre 2020 par le CEPRI et qui analyse dans une visée de représentativité plus de 200 actions de sensibilisation conduites depuis 2003 sur le risque inondation).
Nous nous appuierons essentiellement sur ce panorama très fourni pour classifier les différentes modalités de communication. Aujourd’hui pour développer une véritable culture du risque et rendre les habitants acteurs de leur propre sécurité, la majorité des démarches de sensibilisation repose sur des stratégies ‘‘inclusives’’ de la population en développant des outils, actions ou démarches très diversifiées dans les formes, les supports, les lieux ou les initiatives.
Sensibiliser par des outils de ‘‘mise en commun de la connaissance’’
Différents outils et/ou actions permettent de recenser, de visualiser et de décrire des phénomènes d’inondations. Les matériaux réunis par ces dispositifs d’information sont relativement proches de ceux utilisés par les porter à connaissance. Ce qui relie ces démarches est une ambition de partage, de transmission et de vulgarisation d’informations aussi bien quantitatives (donnés chiffrées, état des lieux...) que qualitatives (recueil de témoignages, retour d’expériences...).
Six catégories de supports peuvent être distinguées à l’intérieur de cette typologie d’outils de ‘‘mise en commun’’ :
- des documents papiers présentés sous forme de plaquettes, de guides, de livrets ou d’études ;
- des vidéos ou webdesign en ligne décrivant pédagogiquement le risque inondation ou appelant à témoigner des événements passés ;
- des plateformes en ligne (informatives, collaboratives, de bonnes pratiques) sous forme de banques de données ou d’observatoires souvent soutenus par des outils cartographiques ;
- des formations techniques et ateliers de sensibilisation ;
- des actions in situ : site culturel ou scientifique dédié, exposition ;
- des livrets de recueil de témoignages ou d’ouvrages basés sur le vécu d’habitants et le recensement d’événements passés.
De plus en plus d’interfaces numériques et technologiques sont utilisés pour mettre en image et offrir une lecture plus accessible des risques.
Les plateformes collaboratives s’appuient, elles, sur des données fournies par les populations de plus en plus invitées à partager leurs archives personnelles. Le développement de photothèques ou d’outils de capitalisation d’une mémoire collective incite la population à s’impliquer dans le développement d’une culture du risque. Enfin les plateformes de bonnes pratiques renseignent sur les ‘‘bons comportements à adopter en cas d’événement’’.
Bilan de la communication sur les inondations et première analyse des impacts sur les comportements
L’analyse bibliographique couplée à l’expérience d’Autrement Dit en matière d’accompagnement dans la communication des gestionnaires du risque inondation dans le Sud de la France nous permettent de dresser une première analyse (non exhaustive) de la communication sur les inondations et des impacts sur les comportements.
• Le risque inondation est encore trop véhiculé comme négatif et perçu comme une contrainte (pour construire et donc pour y vivre) alors qu’habiter en zone inondable est possible. Le risque est également trop souvent contextualisé dans le temps et dans l’espace (on en parle uniquement quand arrive l’inondation à un endroit donné).
A noter que des travaux de sciences humaines ont montré que l’appel à la peur comme stratégie persuasive (dire aux individus qu’ils sont à risque, les inquiéter s’ils n’agissent pas) ne produit un effet sur les intentions et les comportements que si des solutions sont proposées aux individus pour y faire face et s’ils sont en mesure d’évaluer leurs croyances d’efficacité personnelle et leurs croyances d’efficacité des recommandations . (Witte 1992, 1994 modèle étendu des processus parallèles qui fait suite au modèle de Leventhal (1970) .
• Dans la même idée, l’inondation est un sujet de communication ‘‘peu vendeur’’ qui fait peur et qui peut inciter à ne pas communiquer. Car communiquer sur le risque résiduel par les collectivités, c’est parfois avoir l’impression de montrer sa propre ‘‘défaillance’’, surtout si on a beaucoup investi dans la protection avec des aménagements coûteux.
• Malgré les efforts de communication et la multiplicité des outils, la communication sur les inondations relève plus d’une culture de crise que d’une culture du risque et de la résilience.
• Trop souvent la culture du risque englobe l’information préventive, le souvenir et l’expérience par rapport à des événements passés, laissant de côté les autres critères sociaux (perception, représentation, sensibilités) qui jouent un rôle majeur dans l’appréhension du risque inondation.
Faut-il informer un habitant exposé au ruissellement de la même manière et avec les mêmes supports qu’un habitant exposé au débordement de cours d’eau ? Les actions à mener auprès d’un commerçant sont-elles les mêmes qu’auprès d’un agriculteur ? Faut-il considérer les élus et les agents comme étant déjà sensibilisés et les exclure des démarches ? N’oublie-t-on pas d'autres acteurs clés comme les aménageurs ou les promoteurs immobilier ? Sans pour autant vouloir systématiquement circonscrire l’information à un petit nombre de représentants, une approche plus ciblée gagnerait en efficacité.
• Malgré les efforts de dispositifs plus ‘‘immersifs’’, la communication repose souvent sur des principes de communication persuasive descendante souvent contre-productive en termes de changements de comportements. En effet dans nombre de domaines (santé publique, environnement et développement durable, travail, éducation), la communication persuasive a montré ses limites pour induire des changements sur le plan comportemental (point que nous développerons dans la suite du projet).
• Si les démarches de communication font dans l’ensemble preuve d’efforts de vulgarisation, l’information préventive est encore aujourd’hui largement écornée par des difficultés de traduction, de compréhension et donc d’appropriation. Le passage des savoirs experts aux langages plus pédagogiques, accessibles au public n’est pas toujours aisé même si les nouveaux outils s’y emploient.
• Si les NTIC permettent de ‘‘ décorréler’’ la compétence, le savoir et le caractère institutionnel de la production de données, peut se poser pour certains la question de la valeur et de la crédibilité accordée à cette information lorsqu’elle n’émane pas d’une source officielle