Rester actif pour rester debout et mieux faire face au risque de chute !
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Créé le 10/02/25
Écrit par Alicia Le Frère, Chargée de de R&D et Nicolas Roumagné, Directeur associé de l'entreprise solidaire d'utilité sociale, ReSanté-Vous.
En France, une personne sur trois parmi les personnes de plus de 65 ans chute au moins une fois par an, et cette proportion passe à une personne sur deux à partir de 80 ans.
Ces incidents ont des conséquences importantes sur la qualité de vie des personnes âgées. Les chutes sont souvent à l’origine de traumatismes physiques tels que des fractures, des plaies ou des contusions [1]. Au-delà de la santé physique, elles nuisent fortement à l’autonomie et précipitent l’entrée en institution [2, 3]. Les traumatismes psychologiques sont également très fréquents après une chute, en particulier la peur de tomber à nouveau.
Le risque de chute, une peur qui s'installe progressivement
Cette peur n’apparaît pas uniquement chez les chuteurs. Elle s’installe progressivement à mesure de l’avancée en âge et de la dépendance, y compris chez les seniors sans antécédent de chute. La crainte de la chute peut être bénéfique lorsqu’elle pousse à la prudence dans les comportements au quotidien [4]. Cependant, elle incite à limiter ses activités, physiques comme sociales, pour réduire le risque de chute. Les proches de la personne âgée partagent généralement cette vision et l’encouragent à éviter l’effort : « reste assis(e), je m’occupe d’étendre ton linge », « ne bouge pas, je vais sortir les poubelles », « vas t’allonger un peu, je vais passer l’aspirateur dans le salon ». Dans quelle mesure cette intention bienveillante est-elle bénéfique ?
L’inactivité est-elle réellement la solution pour se protéger des chutes ?
De nombreux chercheurs ont étudié l’incidence des chutes et ses nombreux déterminants. Les principaux facteurs de risque sont établis de façon relativement consensuelle. Certains sont d’ordre physiologique, tels que l’âge. Entre 20 et 80 ans, un individu perd environ 50 % de sa masse musculaire [2]. A partir d’un certain seuil, cela engendre une réduction de la force musculaire et des performances motrices, ce qui rend l’individu vulnérable face aux chutes. Ce processus associé au vieillissement est inévitable, quel que soit l’état de santé de l’individu.
D’autres facteurs physiologiques souvent observés chez les aînés accentuent le risque de chute : des troubles moteurs, en passant par les troubles visuels et cognitifs, jusqu’aux troubles psychiatriques comme la dépression [4]. En parallèle, il existe des déterminants comportementaux sur lesquels il est directement possible d’agir, notamment le niveau d’activité physique.
Moins je bouge, plus je me protège ?
Il est naturel de penser que rester immobile protège efficacement de la chute. Le danger paraît bien loin lorsqu’on est confortablement installé dans son canapé devant la télévision. Pourtant, de nombreuses études ont démontré que le manque d’activité physique est associé à un risque de chute plus important [2, 4, 5]. Malgré une exposition immédiate au risque de chute, une pratique régulière d’activité physique permettrait de réduire considérablement la prévalence des chutes à long terme. Les comportements sédentaires entraînent une dégradation des capacités fonctionnelles [2, 6]. Ils sont aussi associés à un mauvais équilibre et à une mauvaise densité osseuse [7]. Les seniors inactifs ont donc moins de force musculaire et de stabilité.
En somme, la sédentarité augmente le risque de chute parce qu’elle accélère la détérioration « naturelle » de la santé liée au vieillissement. Puisqu’elle rend plus fragile, elle n’affecte pas seulement l‘incidence des chutes, mais aussi leur gravité. Dans une revue Cochrane sur l’exercice physique et la prévention des chutes chez les personnes âgées [8], les auteurs, après avoir analysé 81 essais cliniques, avancent qu’une personne inactive pourrait être exposée à un risque de fracture supérieur de 27 % par rapport à une personne active.
De la peur à la chute : un cercle vicieux ou une chute potentiellement évitable ?
Figure 1 : Le cercle vicieux de la chute
L’étude des mécanismes qui conduisent à la chute met en évidence un cercle vicieux [2, 9] (Figure 1). Les conséquences d’une chute deviennent souvent les causes de la suivante. La peur de tomber joue un rôle important dans cette spirale négative. Si bien que le Ministère chargé de l’Autonomie [10] définit la peur de la chute comme l’un des cinq signes « avant-chuteurs », aux côtés de la sédentarité.
Cette crainte, ainsi que les limitations d’activités qu’elle encourage, nuisent à la qualité de vie des personnes âgées. Incitées à adopter un mode de vie sédentaire, ces dernières aggravent leur fragilité, leur dépendance et leur isolement social. En conséquence, elles s’exposent à un risque plus important de tomber.
Cependant, les chutes ne sont pas une fatalité ! Il existe des mesures de prévention qui ont prouvé leur efficacité dans la réduction du risque de chute [8, 11, 12]. Les études suggèrent qu’un mode de vie actif pourrait réduire le risque de chute de près de 20% [8, 12]. A 60 ans comme à 90 ans, homme ou femme, en bonne santé ou malade, avec antécédent de chute ou sans, pratiquer une activité physique adaptée est à la fois possible et essentiel pour prévenir les chutes et favoriser la santé sous tous ses aspects. Comme l’indique le Ministère chargé de l’Autonomie [10], l’activité physique constitue la « meilleure arme antichute ».
À découvrir : tous les projets soutenus par la Fondation MAIF sur le risque de chute et comment le prévenir !
Références
1. Torres, M., Pédrono, G., Lasbeur, L., Carcaillon-Bentata, L., Rigou, A., & Beltzer, N. (2020). Chutes des personnes âgées à domicile : Caractéristiques des chuteurs et des circonstances de la chute. Volet « Hospitalisation » de l’enquête ChuPADom. Santé publique France.
2. Blain, H., Bloch, F., Borel, L., Dargent-Molina, P., Gauvain, J. B., Hewson, D., Orève, M. J., Kemoun, G., Mourey, F., Puisieux, F., & al. (2015). Activité physique et prévention des chutes chez les personnes âgées. Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).
3. Tinetti, M. E., & Williams, C. S. (1997). Falls, injuries due to falls, and the risk of admission to a nursing home. The New England Journal of Medicine, 337(18), 1279–1284.
4. Haute Autorité de Santé. (2013). Référentiel concernant l'évaluation du risque de chutes chez le sujet âgé autonome et sa prévention.
5. World Health Organization. (2008). WHO global report on falls prevention in older age.
6. Haute Autorité de Santé. (2019). Prescription d’activité physique et sportive : Les personnes âgées.
7. Public Health Agency of Canada. (2005). Report on seniors' falls in Canada.
https://publications.gc.ca/collections/Collection/HP25-1-2005E.pdf
8. Sherrington, C., Fairhall, N. J., Wallbank, G. K., Tiedemann, A., Michaleff, Z. A., Howard, K., ... & Lamb, S. E. (2019). Exercise for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database of Systematic Reviews.
9. Promotion Santé Suisse. (2023). Peur de chuter : Définition et emploi de la notion de peur de chuter dans le contexte de la promotion de la santé et de la prévention.
10. Ministère des Solidarités et de la Santé. (2022). Plan antichute des personnes âgées.
11. Dargent-Molina, P., Cassou, B., & al. (2017). Prévention des chutes chez les personnes âgées de plus de 75 ans vivant à leur domicile : analyse des interventions efficaces et perspectives de santé publique. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 16-17, 336–343.
12. Jiang, Y., Wang, Y., Liu, Y., Duan, Y., & Wang, L. (2022). The association between sedentary behavior and falls in older adults: A systematic review and meta-analysis. Frontiers in Public Health, 10, 1019551.