Le nudge, le « coup de pouce » qui double le taux du port de la ceinture de sécurité dans les transports scolaires - Autocarexpo, Lyon, le 18 octobre 2018
Créé le 20/10/23, modifié le 31/08/23
Si la quasi-totalité des enfants de moins de 10 ans voyageant accompagnés dans les transports scolaires porte sa ceinture de sécurité, le taux chute à 28,9% chez les 10-14 ans et à 4,6% chez les 15-19 ans.
Pour améliorer la sécurité dans ces véhicules, la Fondation MAIF, avec l’aide de l’ANATEEP, Keolis et BVA Nudge Unit, a mené une étude inédite démontrant que le nudge (littéralement « coup de pouce ») favorise le port de la ceinture de sécurité dans les transports scolaires.
En moyenne, les jeunes attachés sont passés de 10 % à près de 24 % lorsqu’ils ont été exposés à des dispositifs inspirés de l’approche nudge.
Des résultats prometteurs qui ont séduit les responsables des transports scolaires de l’Isère et de la Région Auvergne Rhône Alpes. Des expérimentations à plus grande échelle sont à l’étude.
Ceinture de sécurité : des comportements inadaptés dans les transports scolaires
Utilisé quotidiennement par 4 millions de jeunes, le car scolaire demeure un environnement particulier où la pression sociale des plus grands, qui considèrent le port de la ceinture comme ringard ou contraignant, joue fortement sur le comportement des plus petits.
Obligatoire depuis 2003, la ceinture de sécurité dans les transports scolaires reste une véritable préoccupation publique puisqu’encore trop peu respectée chez les jeunes.
Plusieurs campagnes de sensibilisation ont été menées par les associations de prévention à la sécurité routière et les transporteurs dont Keolis, afin de familiariser les jeunes aux bonnes pratiques de sécurité dans les transports publics et, plus particulièrement, à l’importance du port de la ceinture dans les cars scolaires.
Les résultats ont démontré que, malgré l’effort de sensibilisation et les contrôles réguliers organisés à bord des cars, le taux de port de la ceinture n’augmentait pas, en particulier chez les collégiens et lycéens.
Si le car reste globalement dans l’imaginaire collectif un environnement sans risque, il est néanmoins important de rappeler que la ceinture joue un rôle crucial pour la sécurité des voyageurs en cas de situation dangereuse ou d’accident.
Il a donc semblé indispensable de se tourner vers une approche plus efficace pour faire changer les comportements de façon pérenne.
Les nudges pour renforcer la sécurité dans les cars
Ainsi, pour favoriser le port de la ceinture de sécurité dans les transports scolaires, la Fondation MAIF, l’ANATEEP, Keolis et BVA Nudge Unit* ont réalisé une étude basée sur une approche innovante : le nudge.
Le nudge, littéralement « coup de pouce », consiste à créer une architecture de choix qui encourage, sans les contraindre, les individus à prendre des décisions qui sont bénéfiques pour eux-mêmes, la collectivité ou la planète.
Le nudge repose sur l’économie comportementale, courant scientifique qui s’attache à comprendre les facteurs qui sous-tendent nos décisions.
L’objectif de ce projet est bien entendu de mesurer l’impact de cette approche sur le port de la ceinture, mais au-delà, d’utiliser ce dispositif pour agir sur les comportements à risque, dans d’autres domaines où les accidents persistent.
Aborder la prévention autrement fait partie des ambitions de la Fondation MAIF. Marc Rigolot, son Directeur Général explique : « Nous constatons malheureusement que dans de nombreux domaines, les approches traditionnelles basées sur l’information et la sensibilisation s’épuisent, et montrent des limites. Face à des décisions parfois irrationnelles, nous recherchons des solutions innovantes pour modifier la façon de faire de la prévention, et les nudges représentent une belle opportunité comme les résultats de ce projet le démontrent ».
L'étude a été réalisée sur 2 semaines dans 6 cars scolaires : une semaine sans nudge (avant), une semaine avec nudges (après) pour bénéficier d’une cellule témoin point de référence et permettre aux enfants de s’habituer à la présence de l’observateur (un seul observateur par car, soit 6 en tout).
La durée des tests a été volontairement longue pour mesurer d’éventuels effets dans le temps et posséder un échantillon important offrant ainsi une significativité forte aux résultats (5732 observations au total, 3314 la semaine sans nudge et 2918 la semaine avec nudge).
La première phase, sans nudge ou instructions particulières, a démontré que seuls 10% des élèves attachent instinctivement leur ceinture de sécurité.
L’observation des cars scolaires a permis de se rendre compte que, par défaut, les enfants pouvaient s’asseoir sur les sièges sans même voir ni toucher la ceinture de sécurité.
Pour la seconde phase, 6 nudges ont donc été spécialement été créés puis combinés pour inciter les jeunes à boucler leur ceinture. Un nudge phare de l’expérimentation a consisté à retourner ce choix par défaut en sortant la ceinture de sécurité de son enrouleur à l’aide d’un fourreau, qui en plus de rendre visible la ceinture, oblige l’enfant à la toucher pour l’inciter à la mettre ou pour l’écarter s’il ne souhaite pas la boucler (sachant que s’asseoir dessus serait inconfortable, mais possible).
Ce fourreau, nommé "malassi" a été testé, en combinaison avec plusieurs autres nudges, reposant sur des visuels de mannequin crash test dans les cars, des affiches présentant le car comme vulnérable, ou des messages sonores d’incitation.
Le résultat ? Les nudges s'avèrent efficace pour favoriser le port de la ceinture dans les transports scolaires.
Toutes les combinaisons de nudges testées permettent une progression du taux de port de la ceinture de sécurité qui, en moyenne est multiplié par 2.5, passant ainsi de 10% à près de 24%.
Les nudges, qui agissent autant sur les filles que sur les garçons, perdurent dans le temps et ont une portée aussi bien le 1er jour que les jours suivants.
Par ailleurs, les nudges s’avèrent efficaces dans les cars scolaires où le taux port de la ceinture de sécurité est faible (moins de 10%) mais aussi dans les cars scolaires où il est déjà important (de 15 à 50%).